Le Conseil de Vie Sociale Transversal, un nouvel outil pour favoriser la parole des personnes hébergées
31.03.2022Soucieuse de favoriser la participation des personnes accompagnées, Emmaüs Solidarité entend aller plus loin à travers la mise en place d’un Conseil de Vie Sociale Transversal (CVST). Une première réunion a eu lieu le 23 mars.
C’est au Centre d’Hébergement d’Urgence Aboukir à Paris, qui a ouvert ses portes il y a deux ans en plein confinement, que s’est tenu la première réunion du Conseil de Vie Sociale Transversal (CVST). Coordonné par Lionel Audigier, en charge des instances d’Emmaüs Solidarité, ce temps d’échanges avait pour but d’officialiser ce tout nouveau dispositif destiné à favoriser la participation des personnes accompagnées par l’association. Et ce, dans la lignée de la loi 2002-2, encourageant à associer les bénéficiaires de prestations sociales au fonctionnement des établissements ou des services qui leur sont destinés. « Cela fait une dizaine d’années que nous sommes extrêmement actifs sur le sujet du développement de la participation, avec notamment l’élection de délégués représentants des personnes accueillies au sein des centres, affirme Bruno Morel, directeur général. Mais nous souhaitons vivifier cette démarche car certains centres n’ont pas de représentants, et surtout la structurer à l’échelle de l’association qui compte à ce jour une cinquantaine de conseils de vie social vraiment actifs. »
Une ambition incarnée par Pauline Engome
Elue en septembre 2020 par ses pairs en tant que représentante au sein du conseil d’administration de l’ensemble des personnes accompagnées, Pauline Engome incarne véritablement cette ambition. Hébergée au Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale Lancry depuis janvier 2019, cette ancienne infirmière au sein des forces de défense camerounaises cultive le don de soi. Depuis son élection, un premier cycle de visites dans plus de 40 structures a été mené par ses soins, avec le soutien de Lionel Audigier. « Mon rôle est de faire remonter les doléances : ce qui va, ce qui ne va pas, confie Pauline. Une fois sur le terrain, je m’entretiens d’abord avec les chefs de service pour comprendre le fonctionnement interne. Puis je rencontre les hébergés. C’est un vrai travail de fourmi. Avec moi, ils peuvent s’exprimer librement. Etant donné que j’ai à peu près tout connu entre mes jobs de vendeuse, de coiffeuse, de cuisinière, de distribution de panier repas à La Villette… je crois que j’arrive à les mettre en confiance. Ils peuvent tout me dire. »
« C’est leur parole qui va alimenter notre plaidoyer auprès des institutions »
Outre les difficultés à obtenir un titre de séjour ou à accéder à un logement pérenne, la question de l’alimentation est régulièrement au cœur des sujets abordés dans les structures. Pour y remédier, Emmaüs Solidarité se désengage peu à peu de la restauration collective au profit d’un cercle plus vertueux, invitant les résidents à cuisiner des repas fidèles à leurs goûts culinaires. Pour ce faire, l’association dispose à ce jour de cinq triporteurs (acquis via le budget participatif de la ville de Paris) permettant la collecte de denrées invendues en partenariat avec différentes enseignes. L’association compte également s’appuyer sur ses trois jardins maraîchers d’insertion et la ferme pédagogique du Centre Bois de l’Abbé à Epinay sur Orge, pour favoriser la consommation en circuit court. « C’est grâce à leurs revendications, leurs constats et leurs souhaits d’évolution que l’on peut avancer, poursuit Bruno Morel. On ne va pas leur dire : « vous devez faire ça ». On va s’intéresser à ce qui les anime. Le plus souvent, leurs problématiques individuelles peuvent parler à d’autres. Et c’est leur parole qui va alimenter notre plaidoyer auprès des institutions, surtout dans le contexte actuel où nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi les Ukrainiens bénéficient d’un dispositif inédit de protection temporaire avec différents droits. Mais plutôt que d’opposer les précarités, profitons de cette expérience pour montrer que la France peut être un pays accueillant. »
« Remettre en route le pouvoir d’agir »
Transversalité, synergie et représentativité. Tels sont donc les maîtres mots portés par l’association qui entend bien pérenniser le dispositif sur la durée, avec l’organisation d’un CVST chaque trimestre. « Nous comptons élire lors de la prochaine assemblée générale un(e) second(e) représentant(e) pour épauler Pauline dans ses missions, ajoute le directeur adjoint Lotfi Ouanezar. La démarche, on la veut simple, constructive, conviviale et participative pour remettre en route le pouvoir d’agir, surtout après ces deux années de Covid qui n’ont pas facilité les échanges. » Parmi les axes majeurs à développer, figure également une meilleure communication sur l’aide qu’apportent les services du pôle Compétences d’Emmaüs Solidarité vers un retour à l’emploi (offres de formations, chantiers d’insertion). A l’instar de l’inauguration il y a un an d’un espace spécifique dédié à l’estime de soi et au bien-être dans une structure du 10ème arrondissement, d’autres dispositifs complémentaires de lutte contre l’exclusion se mettent en place. Sans oublier d’encourager la pratique sportive dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris 2024, ou encore d’impulser des actions artistiques et culturelles en lien avec le Festival C’est pas du luxe initié par la Fondation Abbé Pierre. Une façon, aussi, de s’exprimer !
Florian Dacheux