places grands marginaux au CHU Faubourg St Denis
Hébergement
Reportage

Ouverture de places pour les grands marginaux

« On ne se rend pas compte, mais quand on a passé autant de temps à la rue, tout devient compliqué. Se laver, cuisiner, dormir… il faut tout réapprendre. » prévient Sonia, cheffe de service du centre d’hébergement de la rue du Faubourg St. Denis (Paris 10).

Dans l’un des 15 studios ouverts en juillet 2024 pour les “grands marginaux”, Luc* réapprend à vivre sous un toit. De ses 36 ans de vie à la rue, il a gardé le froid dans ses habitudes. « J’ouvre ma fenêtre, sinon je ne dors pas. Mon corps s'est habitué. Même la douche chaude, je n’y arrive pas » confie-t-il. Dans ce centre d’un genre nouveau, Luc pourra avancer à son rythme. Il y dispose d’un studio équipé qu’il peut occuper quand il veut. Une première pour lui. Et une innovation pour les équipes des centres d’hébergement et des maraudes d’intervention sociale.

Les personnes peuvent prendre le temps de se réapproprier un espace personnel
Valérie
cheffe de service.

Plus qu’ailleurs, « les personnes peuvent prendre le temps de se réapproprier un espace personnel », explique Valérie, cheffe de service du centre d’hébergement de la rue Frochot (Paris 9) ouvert à la même période et qui compte 6 studios de ce type. Il s’agit d’y faciliter l’adoption de gestes simples en apparence, mais pour beaucoup oubliés.

Au centre de la démarche : une adresse bienveillante où l’on peut dormir toutes les nuits, ou seulement quelques-unes, pour commencer. Car l'enjeu pour les personnes coupées de l’aide sociale depuis longtemps, c’est d’être disponible, sans contrainte ni impératif, y compris avec les addictions.

 

Pour beaucoup, la honte creuse aussi le fossé. Avec les proches en premier lieu. Luc a toujours a toujours caché sa situation à son fils : « je préfère qu'il me parle de lui quand on se voit ». Miguel*, 66 ans, d’origine capverdienne, ne l’a pas dit non plus à ses enfants. « Cassé par un divorce » il s’est retrouvé à la rue pendant 4 ans, sans affaires, ni papiers. Mais ici, « tout peut recommencer » ; d’ailleurs cet ancien maçon a ramené des outils dans son studio qu’il occupe régulièrement. Il aimerait aussi revoir sa fille ; heureux hasard, elle ne travaille pas loin de sa nouvelle adresse.

À force d’isolement et d’indifférence, celles et ceux qu'on appelle “les grands marginaux" n’attendaient plus rien. Pour chacun·e, le temps de la reconstruction pourra être aussi long que nécessaire.

*Les prénoms ont été changés pour respecter l’anonymat des personnes rencontrées.

Suivez-nous

S'informer, c'est déjà agir