maraude pendant les fêtes de Noël
Société
Reportage

Noël en silence pendant nos maraudes

Pour Mathias, travailleur social à la maraude Paris Centre d’Emmaüs Solidarité depuis bientôt 20 ans, Noël n’est pas seulement une fête de fin d’année. C’est toute une période qui révèle, avec plus d’intensité, la complexité des parcours des personnes à la rue. Entre le froid, l’urgence et les souvenirs enfouis, les maraudes en fin d’année oscillent entre l’aide immédiate et un travail de fond sur des mécanismes de rupture profondément ancrés.
Pendant Noël, les températures chutent et avec elles, l’urgence augmente
Mathias
technicien socio-éducatif

Les conditions météorologiques entraînent une intensification de son travail, en particulier vers les plus isolé·es : “en maraude, on va à la rencontre de celles et ceux qui ne se rendent pas dans les structures d’aide et d’accueil, en raison souvent d’une défiance envers les institutions, ou tout simplement d’une forme de paralysie propre aux parcours de rue et à l’isolement.”

Car l’expérience de la rue est une expérience violente de “déréalisation”, c’est une épreuve où la réalité elle-même semble s’effacer : le monde devient flou, étranger et la personne, déjà fragilisée, perd ses repères les plus fondamentaux. “Une fracture qui peut effacer jusqu’à l’identité et paralyser le corps”.

Pendant les fêtes, les équipes de maraude adaptent leurs horaires. Selon les besoins, elles offrent divers produits, “sans imposer de symbolique”. Les radios sont appréciées. “Ce sont des gestes simples, mais ils répondent à des besoins concrets et, parfois, à des désirs spécifiques.

Certains posent leur cadeau à côté d’eux et ne l’ouvrent pas tout de suite. Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas reconnaissants, mais qu’ils ne sont pas forcément dans cet “esprit de Noël” tel qu’on le représente. Ce n’est pas la même temporalité. Il faut l'accepter.

Car “Noël” peut évoquer un lien tendre ou familial, mais aussi inaccessible. Cela peut être une période difficile pour celles et ceux qui ont perdu des attaches ou n’en ont jamais eu. Cette fête rappelle ce qu’ils n’ont pas ou plus : une famille, une maison, un quotidien partagé… Pour d’autres, c’est une journée comme une autre, marquée par le froid et les repères modifiés dans la ville. Mathias le résume d’ailleurs en quelques mots : “Le 25 décembre l’ambiance n’est pas la même pour les exclu·es ; les rues sont vides”.

 

Retrouvez tous nos articles en exclusivité dans notre newsletter mensuelle "Emmaüs Solidarité en actions"

Suivez-nous

S'informer, c'est déjà agir